PIECE N° 3 PRODUITE A L'APPUI DE LA REQUÊTE CITOYENNE EN INTERVENTION VOLONTAIRE DANS LA PROCEDURE DE RECOURS CONSTITUTIONNEL CONTRE LA LOI SUR LE MARIAGE POUR TOUS (MAI 2013)
COMMENTAIRE CRITIQUE
de la section 4 du recours présenté devant le Conseil
constitutionnel, le 23 avril 2013, par plus de 60 sénateurs, contre la loi
ouvrant le mariage aux personnes de même sexe
ou
COMMENT LES REPRESENTANTS NATIONAUX
ONT VOLONTAIREMENT SABOTE LE RECOURS CONSTITUTIONNEL
Par les Citoyens français signataires de
la pétition publique « Aux deux chambres du parlement : pour un
recours constitutionnel contre le mariage pour tous »
Les commentaires
qui suivent (en vert) sont également applicables au mémoire de recours déposé
par les députés, lequel prend son inspiration à la même source.
Sur la définition du mariage
Selon
les requérants, le mariage, tel que
défini par le code civil, est un principe fondamental reconnu par les lois de
la République, faisant intégralement
parti du contrat social, et ne
pouvant être modifié par une loi simple, au contraire de l’union civile qui
était proposée par les requérants.
4-1. Les requérants estiment que le mariage est un principe fondamental
reconnu par les lois de la République, inscrit dans la tradition
républicaine et inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, dans sa définition acceptée depuis
1804, comme le mariage est l’union d’un homme et d’une femme en vue de
constituer une famille. Par conséquent, il
a valeur constitutionnelle.
[De toute évidence, l’expression d’« identité
constitutionnelle », que le Conseil constitutionnel n’a jamais exactement
définie, n’a pour but, ici, que de faire illusion, étant en effet de principe,
premièrement, que les normes jurisprudentielles dégagées du bloc de
constitutionnalité, c’est-à-dire de tous les textes à valeur constitutionnelle,
n’ont pas la même valeur pratique, quoi qu’on en dise, dans l’appréciation de
l’identité constitutionnelle, que les dispositions expresses renfermées dans
ces textes (lesquelles ne portent aucunement sur la question de la différence
sexuelle des conjoints) ; deuxièmement, que l’identité constitutionnelle
de la France étant celle de la république, les principes qui lui sont
inhérents, ne peuvent l’être simplement en vertu de la tradition juridique, du
fait qu’ils ont toujours été compris et appliqués de manière univoque (sans
quoi, rien de ce qui a été ne serait susceptible de changement), mais qu’à la
tradition doit encore s’ajouter la nécessité selon laquelle la
« république indivisible, laïque, démocratique et sociale » et sa
constitution ne seraient plus fondamentalement les mêmes, si ces principes
venaient à être compris et appliqués différemment (ce que les requérants, par
une négligence stupéfiante, ne se sont jamais donné la peine de démontrer, sur
l’article du mariage) ; troisièmement, le juge
constitutionnel n’ayant pas juridiction, comme peut l’avoir le juge du
fond, sur la contingence des choses, sa compétence ne lui permet pas de déduire
d’un simple fait une chose à faire, ni même de sa conformité possible à la
Constitution le devoir de la consacrer. Peu lui importe de connaître si la
différence sexuelle des conjoints s’inscrit dans la tradition républicaine, ce
dont il a à juger c’est si cette inscription participe de la seule contingence
historique, auquel cas le parlement peut en décider ce qu’il veut, ou de la
nécessité de la loi constitutionnelle. En l’espèce, les requérants ne pouvaient
pas ignorer les présupposés kantiens qui sous-tendent le contrôle de
constitutionnalité. Pourtant, au lieu de démontrer la « nécessité »
par laquelle le mariage ne peut être autre chose, sous le rapport
constitutionnel, que l’union légitime d’un homme et d’une femme, tout au plus
se sont-ils contentés d’alléguer la « factualité » d’une tradition
légale, d’une interprétation jurisprudentielle, d’une conception doctrinale,
dont ils savaient bien que le juge constitutionnel ne se permettrait jamais de
connaître. Aussi bien la notion d’identité constitutionnelle est-elle là pour
cacher au public leurs omissions dolosives. Il reste, dira-t-on, que le
préambule de la Constitution de 1946, consacrant, sans les préciser, les
principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, la factualité
des principes légaux n’échappe pas tout à fait, en tant que telle, au pouvoir
d’appréciation du juge constitutionnel. Et nous ne nierons pas, en effet, qu’il
ait la possibilité d’y ranger l’institution du mariage. Or, le tout n’est pas
de lui rappeler ses possibilités, il les connaît, et peut du reste invoquer
d’office de nouveaux moyens. Le devoir était de l’y contraindre, par la force
implacable des arguments, arguments que les requérants n’avaient qu’à puiser
dans notre pétition publique. Si au lieu de tourner autour du pot, ils avaient,
par exemple, insisté sur le caractère de droit public du mariage civil et
rappeler l’intangibilité de ses obligations essentielles, le Gouvernement eût
sans doute réfléchi à deux fois avant de leur répliquer, avec une arrogante
désinvolture, que « le domaine des principes fondamentaux reconnus par les lois
de la République ne s’étend pas à celles des règles de droit privé qui ne sont
que le reflet en droit de l’état de la société à un moment donné. » Mais si
la différence des sexes, dans le mariage, est de droit privé, la procréation
l’est aussi, et tout ce qui en résulte, à savoir la pérennité même de la
Nation ! On s’attendait à entendre hurler ce mot de Nation : or,
c’est à peine, dirait-on, si les requérants osent s’en avouer
l’existence ! On privatise la Nation, et la Nation n’a pas seulement le
droit de se rappeler à la mémoire de ses mandataires !]
En
effet, pour les rédacteurs du code civil[1], le
fait que le mariage soit l’union d’un homme et d’une femme relevait de l’ordre
physique de la nature, commun à tous les êtres animés. Cela ne relevait ni du
droit naturel, qui est propre aux hommes et à la base de nos lois civiles, ni
des lois positives, qui sont plus conjoncturelles. C’était la conception du
droit romain, c’est celle du code civil[2].
[Si telle était la conception du droit romain, telle n’est
certainement pas celle du Code civil. Que dit en effet Portalis, à qui cette
absurdité est mise en bouche ? Tout le contraire précisément :
qu’autrefois « la loi naturelle
n’était comptée pour rien dans le premier et le plus grand acte de la nature.
Les idées confuses que l’on avait sur l’essence et sur les caractère de l’union
conjugale, produisaient des embarras journaliers dans la législation et dans la
jurisprudence. (…) Toutes ces incertitudes se sont évanouies, tous ces embarras
se sont dissipés, à mesure que l’on est remonté à la véritable origine du
mariage, dont la date est celle même de la création. Nous sommes convaincus que
le mariage, qui existait avant l’établissement du christianisme, qui a précédé
toute loi positive, et qui dérive de la constitution même de notre être, n’est
ni un acte civil, ni un acte religieux, mais un acte naturel qui a fixé
l’attention des législateurs, et que la religion a sanctifié. Les jurisconsultes
romains, en parlant du mariage, ont souvent confondu l’ordre physique de la
nature, qui est commun à tous les êtres animés, avec le droit naturel, qui
régit particulièrement les hommes, et qui est fondé sur les rapports que des
êtres intelligents et libres ont avec leurs semblables. De là on a mis en
question s’il y avait quelque caractère de moralité dans le mariage considéré
dans l’ordre purement naturel. On conçoit que les êtres dépourvus
d’intelligence, qui ne cèdent qu’à un mouvement ou à un penchant aveugle, n’ont
entre eux que des rencontres fortuites, ou des rapprochements périodiques,
dénués de toute moralité. Mais chez les hommes, la raison se mêle toujours,
plus ou moins, à tous les actes de leur vie, le sentiment est à côté de
l’appétit, le droit succède à l’instinct, et tout s’épure ou s’ennoblit. Sans
doute, le désir général qui porte un sexe vers l’autre, appartient uniquement à
l’ordre physique de la nature : mais le choix, la préférence, l’amour, qui
détermine ce désir, et le fixe sur un seul objet, ou qui, du moins, lui donne
sur l’objet préféré un plus grand degré d’énergie ; les égards mutuels, les
devoirs et les obligations réciproques qui naissent de l’union une fois formée,
et qui s’établissent entre des êtres raisonnables et sensibles ; tout cela
appartient au droit naturel. Dès lors, ce n’est plus une simple rencontre que
nous apercevons, c’est un véritable contrat. » (Discours préliminaire
de Portalis sur le Code civil.) Si l’on en croit Le Figaro il n’aura pas fallu
moins d’une quarantaine de juristes pour inspirer aux requérants ce contresens
grossier ! Comment s’est-on avisé d’objecter à l’égalité des droits revendiquée
par les tenants du mariage gay, l’attrait aveugle de l’instinct animal, comment
a-t-on pu croire que le Conseil constitutionnel entrerait d’un pas libre et
dégagé dans des considérations éthologiques et prendrait sur lui de compléter
Darwin, en en déduisant une norme constitutionnelle pour les hommes ? Si
le recours n’a pas été délibérément saboté, que l’on abaisse sans plus attendre
l’âge d’éligibilité des sénateurs à 5 ans : à leur ignorance s’ajoutera
peut-être un peu d’innocence ! Remarquez que la procréation, but principal
du mariage, est reléguée ici dans une note de bas de page, que les députés
requérants ont au moins eu la décence d’intégrer dans le corps principal de
leur mémoire !]
4-2. Cette institution multiséculaire trouve
entre autres ses fondements dans la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui est le fondement de l’état
de droit dans notre pays. Elle proclame que les hommes naissent libres et
égaux en droits. De cette affirmation découlent plusieurs conséquences. La
première est que les droits de l’homme s’enracinent dans le droit naturel et
qu’ainsi le droit ne peut être bâti sur des constructions virtuelles : le
droit civil en particulier, celui de la famille avec ses éléments constitutifs
(le mariage et la filiation) ne peut prendre en considération une entité
artificielle où l’enfant ne connaîtrait pas ses parents réels, père et mère, et
où la naissance, la filiation, la structure familiale deviendraient des
fictions. Cet enracinement naturel du droit civil n’est nullement
contradictoire avec le fait que tous les êtres humains soient égaux, qu’ils
aient des droits identiques.
[On a dit au paragraphe précédent que le mariage ne relevait pas
du droit naturel, on trouve bon à présent d’établir le contraire. Quel plus sûr
moyen, n’est-ce pas, de se concilier l’attention bienveillante et respectueuse
du juge constitutionnel ! Pour appuyer cette nouvelle idée, on rappelle
l’article premier de la Déclaration des Droits, qui dispose que les hommes
naissent et demeurent libres et égaux en droits. Dans quel sens le veut-on
faire entendre ? Dans le seul bien sûr dont le Conseil ne puisse juger, au
sens naturaliste : les hommes naissent avec deux yeux, deux bras et deux
jambes, avec des libertés et des droits égaux. A quoi le Conseil aura beau jeu
de répondre, que sa compétence n’allant pas jusqu’à se faire jour dans le
mystère de la nature humaine, il lui suffit d’entendre par ces mots, que la loi
reconnaît aux hommes dès leur naissance des libertés et des droits égaux. S’il
existe, en vérité, des droits et des libertés conformes à la nature de l’homme,
c’est ce dont le Conseil ne peut décider : de son point de vue
positiviste, droits fondamentaux et nature humaine ne sont que deux
représentations, que la loi des hommes a décidé d’associer, sans qu’elles
dussent forcément s’expliquer l’une l’autre.]
4-3. Mais cette égalité ne peut nier les différences,
notamment sexuelles, qui font la richesse de l’humanité. La différence
naturelle entre les êtres humains explique que des constructions sociales et
juridiques différentes (le mariage, le PACS, l’union civile) doivent permettre
d’arriver au même but : l’égalité de droits.
La différence
entre les sexes est fondatrice de la société et cette réalité naturelle ne peut être niée au profit d’aberrations
qui lui substitueraient une orientation sexuelle particulière, fruit du
ressenti des individus. L’altérité sexuelle est bien le fondement du mariage
tel que le contrat social de notre République le définit.
[Encore un argument de fait qui tombe à plat ! La différence
des sexes ne peut intéresser le juge constitutionnel, que par l’intérêt commun
qui en résulte, c’est-à-dire par le fondement qu’elle trouve dans la seconde
moitié de l’article 1er de la Déclaration des Droits. N’osant pas
argumenter expressément de l’inégalité (nous disons bien inégalité et non
différence) de traitement nécessaire entre une forme d’union, dont dépend, de
toute nécessité, la survie de la nation, et une autre, dénuée de tout intérêt
public, les requérants en sont réduits à murmurer cette vérité, que « la
différence entre les sexes est fondatrice de la société », et sans invoquer
à son appui aucune disposition ni aucun principe constitutionnel, ou qui la
consacre ou qui en dépende ! Tant de lacunes et de réticences font
rêver ! Et personne, dans tout le Sénat, pour s’en indigner !... La
Nation est bien seule, décidément !]
4-4. Cette conception n’a jamais été remise
en cause depuis 1804 puisque le
mariage est un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Depuis plus de deux siècles, aucune loi n’a d’ailleurs touché à la définition
du mariage, à savoir l’union d’un homme et d’une femme en vue de créer une
famille. Ainsi, on ne peut remettre en cause le mariage qu’en vertu de la
Constitution. C’est d’ailleurs, ce qui s’est produit en Espagne ; la Cour
constitutionnelle espagnole a rendu un arrêt sur la constitutionnalité du
mariage homosexuel, en jugeant que le mariage pouvait être modifié, étant donné
que la Constitution avait prévu cette éventualité, par son article 32.
Toutefois, ce n’est pas le cas dans le droit français,
la pérennité et la constance de cette institution lui confèrent dès lors une
valeur constitutionnelle.
[Comme nous l’avons dit, la pérennité et la
constance ne sont pas une « nécessité » en soi, elles peuvent aussi
bien résulter de la contingence, dont le juge constitutionnel n’a pas à
connaître. Les éléments d’identification de la nation, lesquels sont
naturellement sujets au changement, n’en viennent à former son identité
nécessaire, que par l’impossibilité d’y causer aucune altération sans violer
ses principes constitutionnels. Pour soutenir leur proposition, les requérants
auraient pu combiner les dispositions de l’article 410-1 du Code pénal, relatif
aux intérêts fondamentaux de la nation, et de l’article 3 de la Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, portant sur la souveraineté nationale,
et argumenter de là que celle-ci doit nécessairement s’entendre des conditions
d’intérêt fondamental sans lesquelles, au regard de la loi, elle ne peut
exister, telles la sécurité nationale, la forme républicaine des institutions,
la sauvegarde de la population, etc., tous intérêts qui seraient
immanquablement compromis, si, d’une part, le mariage cessait d’avoir pour fin
principale la perpétuation de la société, et si, de l’autre, les distinctions
sociales, comme celles qui résultent du mariage, n’étaient plus fondées sur
l’utilité commune, stipulée par l’article 1er de la Déclaration,
mais sur le désir individuel. Evidemment, les requérants, qui n’ignoraient
aucun de ces moyens, que nous leur avions minutieusement exposés dans notre
pétition, n’ont eu ni le bon sens, ni la prudence, ni, et c’est bien le pire,
l’honnêteté d’en dire un mot.]
Le législateur ne s’est jamais départi,
jusqu’à aujourd’hui, du principe d’altérité des sexes dans l’institution du
mariage, non pas parce qu’il se
croyait libre de s’y rallier, mais parce qu’il répondait à une exigence «
constitutionnelle » au sens fort.
Si
l’article 75 du code civil prévoyant que l’officier de l’état civil « recevra de chaque partie, l’une après
l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme »,
et l’article 144 du même code disposant que « L’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans
révolus » ont vainement été contestés devant votre Conseil, c’est bien
parce que ces dispositions se bornent à reconnaître l’altérité sexuelle du
mariage et que celle-ci a fermement été rappelée par la Cour de cassation qui
affirme que « selon la loi française, le
mariage est l’union d’un homme et d’une femme »[3].
L’impossibilité manifeste d’y contrevenir, au sens des empêchements au mariage,
est donc d’ordre public absolu, que le mariage ait été célébré à l’étranger ou
sur le sol de la République.
Il ne fait donc absolument aucun doute
que le principe selon lequel le mariage désigne l’union d’un homme et d’une femme est un principe de droit constamment « reconnu »,
depuis 1792, par les lois de la République et donc intégré à notre « tradition
républicaine ». Ce méta-principe au cœur de la « constitution civile de la
France » est donc inhérent à notre «
identité constitutionnelle ». Seule une révision constitutionnelle expresse,
voulue par le peuple souverain, pourrait abattre une base fondamentale du
contrat social des Français.
[Ainsi, n’est-on toujours pas d’accord avec soi-même sur la
définition du mariage ! Il a commencé par être une réalité biologique,
commune à tous les animaux, puis il est soudain tombé sous la juridiction du
droit naturel, mais voilà qu’il en sort à présent et va se placer sous la botte
du caprice populaire. Si le mariage n’est pas pour tous il est au moins pour
tous les goûts ! Cependant, en supposant qu’il « s’enracine »,
comme on l’a dit, dans le droit naturel, comment serait-il au pouvoir du peuple
d’en détruire le fondement ? Pourrait-il aussi bien interdire le mariage ?
Pourrait-il interdire la fécondité ? Pourrait-il s’interdire à lui-même de
manger, de boire et de respirer ? Que ferait l’armée française, si le
peuple, dans l’exercice de sa souveraineté, en prononçait la dissolution ?
La réponse va de soi : elle écraserait le peuple, et elle ferait
bien ! Car si le peuple, aux termes de la Constitution, est le dépositaire
de la souveraineté, il n’en est point le principe. Tout ce qu’il est, il le
doit au peuple qu’il a été et à celui qu’il n’est pas encore. Cette dette de
vie, perpétuelle et insolvable, entre toutes les générations, c’est là ce que
la Déclaration de 1789 appelle la Nation, et c’est la limite absolue de toute
souveraineté. Que le devoir conjugal n’ait plus pour objet principal la
procréation, mais le plaisir stérile, que tout ce qui est d’ordre public dans
le mariage prenne un caractère privé, et vice-versa, de sorte que la dette de
vie nationale soit publiquement annulée, et c’est le principe même de la nation
qui est aboli.]
4-5. L’institution
du mariage relève ainsi de la constitution
sociale de la France[4], à
laquelle on ne peut pas porter atteinte, sauf à modifier véritablement le
contrat social qui unit tous les Français et dont relève le mariage.
[Ce moyen méritait meilleur traitement.
Combien plus habile aurait-il été de le développer de la sorte : la France
étant, constitutionnellement, une « république sociale » (Art. 1 de
la Constitution), toute altération d’un principe fondateur de la société (en
l’occurrence le mariage) touche au caractère social de la république, et donc à
l’identité constitutionnelle de la France !]
L’article
1er de la Constitution dispose que « La
loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes (…) aux responsabilités (…)
sociales ». Le préambule de la Constitution de 1946 proclame, comme
particulièrement nécessaires à notre temps, des principes « sociaux » au nombre
desquels figure celui selon lequel « La
Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à son
développement ». La famille est donc évidemment incluse dans le sens
constitutionnel du mot « social ». Or, l’institution sociale qu’est le mariage
implique assurément des devoirs, effectivement consacrés par le code civil, qui
sont constitutifs d’une responsabilité conjugale et parentale sévèrement sanctionnée
par la loi.
Or
la loi déférée favorise exactement l’inverse de l’objectif consacré en 1999
puis en 2008 par votre Conseil, en permettant d’évacuer la parité dans
l’autorité et les responsabilités parentales, sans autre justification que
celle de la volonté de quelques adultes d’écarter la personne de sexe opposée
de l’entretien et de l’éducation des enfants.
[Le droit de l’enfant à être élevé par un père et une mère n’étant
pas reconnu, en droit constitutionnel français, se pourrait-il, pour renverser
le problème, que le principe de parité dans son éducation trouvât un fondement
dans le bloc de constitutionnalité ? Ne nous abusons pas. L’égalité
proclamée entre l’homme et la femme devant les responsabilités sociales, loin
de consacrer, pour le juge constitutionnel, une quelconque complémentarité
entre les sexes, fait au contraire une règle de leur équivalence fonctionnelle.
Dans cette optique, deux pères ou deux mères sont équivalents à un père et une
mère. Dans ce cas, n’est-il pas possible que le second alinéa de l’article 3 de
la Constitution nous soit d’un usage plus utile, qui consacre par le fait
l’application du principe de parité en politique ? N’y aurait-il pas, en
effet, de bien plus fortes raisons de favoriser l’égal accès du père et de la
mère à l’éducation de l’enfant, qu’il n’y en a pour favoriser l’égal accès des
femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ?
Certes, mais aucune, sans doute, que le Conseil constitutionnel puisse
entendre. Car, si l’on y réfléchit bien, qu’est-ce que l’intérêt d’un enfant,
pour grand et supérieur qu’il soit ? Ce n’est que l’intérêt d’un
particulier ! Et quel est l’intérêt d’un mandat ou d’une fonction
publique ? Rien de moins que celui de l’Etat, que celui de toute la société.
Non que le sexe de l’élu ajoute ou retranche rien à l’exercice de sa fonction,
mais le partage égal du pouvoir public entre les sexes emporte la garantie d’un
exercice conforme à l’intérêt commun. Voilà du moins comment raisonne le
Conseil. Du reste, que les requérants se rassurent, s’il est ici rejeté, le
principe de parité ne restera pas sans emploi : trop heureux seront les
couples de même sexe de le faire valoir entre eux dans les procédures
d’adoption !]
Le
droit constitutionnel libéral exige que la remise en cause des éléments
essentiels d’un régime politique ou du contrat social d’une société donnée ne
puisse se faire que par l’organe investi du pouvoir constituant, selon une
procédure solennelle et avec l’assentiment soit du peuple souverain soit d’une majorité
renforcée des représentants de la Nation[5].
La
Garde des sceaux a reconnu que la loi déférée est une « réforme de civilisation
» tandis que le Président de la République a admis que la « liberté de conscience » des maires était
en jeu. Si, d’ailleurs, elle l’est pour eux, c’est que ce texte l’est pour
chaque citoyen. Ces déclarations officielles montrent bien que l’on est en
présence d’un choix de société absolument fondamental nécessitant l’adhésion
entière du peuple souverain.
[Nécessitant la censure du Conseil constitutionnel et c’est
tout ! Quoi ! les fils de la Nation ont-ils la prétention d’accoucher
de leur mère ? Hélas ! que ne s’est-il trouvé un Bossuet pour mettre
en garde nos législateurs : Mais si vous avez fait votre mère, d’où êtes-vous
nés ?]
4-6. La Convention européenne
des droits de l’homme, la Déclaration universelle des droits de l’homme, la
Convention internationale sur les droits de l’enfant de 1989 et les pactes de
Téhéran affirment tous que le mariage
est l’union d’un homme et d’une femme. Fidèle d’ailleurs à cette tradition
humaniste, la République a ratifié les grands textes internationaux relatifs
aux droits de l’homme qui corroborent le consensus universel sur l’existence
d’un droit naturel humain s’imposant à
tout législateur.
[Reste qu’il n’est point de traité international, contre lequel
l’exception d’un principe constitutionnel, clairement établi, telle l’égalité
des droits, ou la liberté du mariage, ne soit recevable. Or, une fois admis que
le mariage des mêmes sexes a pour fondement l’égalité des droits, quel moyen de
ranger l’identité des sexes parmi les conditions de fond du mariage, sujettes au
règlement discrétionnaire des nations ? C’est d’un droit fondamental qu’il
s’agit, et par conséquent, d’une réserve de constitutionnalité, irréductible au
droit international.]
Cette acceptation nationale et
internationale est d’ailleurs partagée par l’ensemble des communautés
religieuses représentée sur notre territoire.
4-7. Les requérants ajoutent
que l’article 34 de la Constitution précise que la loi fixe les règles
concernant les régimes matrimoniaux, et non le mariage. L’article 1er
de la loi déférée est donc contraire à la Constitution. Les requérants se sont
interrogés sur le fait de savoir si le Gouvernement, doté du pouvoir
réglementaire, était habilité à le modifier; leur conclusion, à la lumière des
développements exposés préalablement, est négative. Par conséquent, ce domaine
relève bel et bien du droit constitutionnel.
[Pour nous, ajoutons que l’article 34 de la Constitution énonce
que la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties
fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, au
nombre desquelles il faut compter celle du mariage. A moins donc de prouver que
le mariage pour tous n’est plus une liberté pour tous, ce que les requérants se
sont bien gardés de faire, ne doit-on pas s’attendre à la confirmation de ce
sophisme, que la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe ne porte pas
tant sur la liberté du mariage elle-même, que sur les règles par lesquelles son
exercice est fondamentalement garanti à tous, si bien qu’elle n’est en rien
contraire à l’article 34 de la Constitution ? Tout se passe, en
jurisprudence, comme s’il suffisait au juge, pour emprunter cette image au
Grand Arnauld, de trancher dans le bloc de marbre de la loi et d’ôter le
superflu, pour en dégager le droit qui y avait toujours été caché. Ce mode
d’établissement du droit, c’est celui que les tenants de la loi déférée espère,
en secret – car ils ont la précaution de s’en taire dans leurs écritures –, de
voir répéter, et du coup confirmer par le Conseil constitutionnel, qui n’aura,
ainsi, ni à déclarer la nécessité d’une révision constitutionnelle, ni à se
substituer illégalement à l’autorité compétente, pour fixer un nouveau droit
fondamental. Loin de créer, dira-t-on, quelque chose qui n’existait pas, la loi
n’a fait que le dégager des textes : à la jurisprudence constitutionnelle
de répéter ce procédé et de le confirmer. Voilà comment on fraude le droit
constitutionnel. Là-dessus, l’on peut se demander, néanmoins, pourquoi le
gouvernement, dans sa réponse, a préféré exciper des règles concernant l’état
des personnes, que des garanties fondamentales. La raison est
stratégique : ayant, auparavant, rangé le mariage sous les règles du droit
privé, et révoqué en doute son caractère de droit fondamental, il eût été mal
venu à rappeler (avec le Conseil constitutionnel qui l’a maintes fois confirmé)
qu’il s’agit d’une liberté publique. Aussi emploie-t-il l’astuce d’argumenter
de l’état des personnes, dans lequel il a d’abord eu soin, par un tour de
coquin, de faire rentrer en fraude et quasi implicitement, l’idée d’identité
sexuelle, comme amalgame du sexe et de l’orientation sexuelle. Sitôt tenue pour
une qualité inhérente à l’état civil des personnes, telle que le nom, le sexe,
la date de naissance, la résidence, la situation familiale, etc., cette
nouvelle notion devient génératrice de droits et partie intégrante de la
personnalité juridique. De ce moment, il est on ne peut plus loisible au
législateur de déterminer souverainement l’identité sexuelle requise pour être
apte au mariage. Cela s’appelle fixer les « qualités et conditions requises
pour contracter mariage », sans toucher, prétendument, au mariage
lui-même. Que le moyen soit en réalité tout à fait inopérant, c’est ce qui ne
fait aucun doute. Et l’on peut s’assurer que le Conseil constitutionnel, s’il
décide de valider le mariage pour tous, se mettra en peine de le suppléer. Mais
il n’en va pas moins que son schéma frauduleux devra tout aussi nécessairement
inspirer la motivation par laquelle le Conseil se proposera de justifier ce
choix.]
Or,
est souvent cité, de manière biaisée, la décision du Conseil constitutionnel du
28 janvier 2011, qui permettrait au législateur d’ouvrir le mariage aux
personnes de même sexe. C’est sans doute ignorer votre interprétation du
principe d’égalité qui ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon
différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des
raisons d’intérêt général. Cette décision rendue par votre Conseil permettrait
en revanche de créer l’union civile que les requérants ont proposé au cours des
débats.
[Cette décision permettrait beaucoup de choses, et d’abord de
censurer la loi déférée, mais une chose qu’elle ne permet pas, à coup sûr, c’est
de créer l’union civile. Car, tout bien pesé, quel en serait l’intérêt
général ? Quel mérite intrinsèque lui vaudrait d’être distinguée
socialement, d’être sanctionnée par des avantages spéciaux, dont seraient en
revanche privées les unions concubines, polygames, incestueuses, échangistes,
bisexuelles, télématiques, etc. ? N’était-ce pas plutôt le cas de poser cette
question, que d’entrer en marchandage avec le Conseil ? Aussi bien,
était-il rien de plus aisé, que de lui expliquer, qu’ayant lui-même motivé la
conformité constitutionnelle du mariage entre un homme et une femme sur son
intérêt général, ce serait se déjuger que de reconnaître à présent celle du mariage
pour tous sans aucun motif d’intérêt général ? Posons cette hypothèse
absurde, que le mariage des mêmes sexes ait toujours été la règle exclusive, et
qu’un couple de sexe différent se soit trouvé, à la place des premiers, en
occasion d’exciper auprès du juge constitutionnel d’une violation du principe
d’égalité, lui aurait-on répondu comme il l’a été par la décision du 28 janvier
2011, que l’intérêt général du mariage des mêmes sexes justifie que les couples
de sexe différent n’y ait pas également accès, que le législateur peut déroger
au principe d’égalité chaque fois que l’intérêt général le requiert ? Tout est
là. Pourquoi les requérants se sont-ils obstinés à ne rien voir ?]
4-8. L’article
143 du code civil, issu de la loi déférée, et qui méconnait ainsi le principe fondamental reconnu par les lois de
la République, détourne l’institution du
mariage à des fins étrangères à l’union matrimoniale. Procédant d’une
qualification juridique manifestement erronée et d’une dénaturation du sens et
la portée du mariage, il méconnaît
également l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité de la loi.
Il porte enfin une atteinte
substantielle à la liberté des époux.
[Oui, mais de quelles fins parle-t-on ? Les requérants
s’attendent-ils que le Conseil constitutionnel le devine ? Quoi de plus
simple, là-dessus, que de répliquer, en guise d’argument, ainsi que fait le
gouvernement, qu’« en adaptant les dispositions du code civil relatives au
mariage aux couples de personnes de même sexe, le législateur, loin de porter
atteinte à la liberté du mariage, étend au contraire le champ de cette liberté
à ces couples, sans modifier le droit existant » ? Ainsi, est-ce la
parole de l’un contre la parole de l’autre, du reste aussi vides l’une que l’autre !
Toutefois, c’est oublier que la charge de la preuve appartient aux demandeurs.]
De
plus, en changeant la définition du mariage et en affectant sa substance même,
l’article 1er de la loi déférée dénature
le contenu et détourne de ses fins une institution à laquelle tous les couples
français mariés actuels ont consenti librement. C’est, en effet, au terme
d’un choix entre plusieurs formules de vie commune obéissant chacune à des
définitions et des règles substantiellement différentes (concubinage, PACS,
mariage) que les hommes et femmes actuellement mariés se sont engagés dans les
liens du mariage. L’article 1er de la loi déférée affecte donc tous les
mariages préalablement contractés d’une erreur sur la qualité substantielle de
l’institution et donc d’un vice du consentement.
[Pourquoi n’est-il pas fait mention du devoir conjugal, des
obligations du mariage, pourquoi la procréation n’est-elle pas nommée ?
Pourquoi tout est-il maintenu dans le vague ? Pourquoi l’incantation
occupe-t-elle la place de l’argumentation ? Que cherchent en réalité les
requérants ?]
Par
cette dénaturation, l’article 1er viole ainsi la liberté du mariage qui découle
des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de
1789 et porte atteinte au principe d’intangibilité des contrats et conventions
légalement conclus ainsi qu’au droit au maintien de leur économie, qui découle
de l’article 4 de la même Déclaration.
[Certainement que si la loi est promulguée elle entraînera un
revirement jurisprudentiel : le contrat de mariage ne comportera plus les
mêmes obligations d’ordre public. Et que ce revirement ait un effet rétroactif,
c’est, en raison même de l’ordre public, une quasi-certitude !]
4-9. Enfin, l’article 1er de
la loi déférée introduit dans le titre V du livre 1er du Code civil un chapitre
IV bis intitulé « Des règles de conflit
de lois » dont l’article 202-1 dispose : « Les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage
sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle. Toutefois, deux
personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une
d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire
duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet ».
Cette
dernière disposition a donc pour effet d’introduire, au profit du mariage de
personnes de même sexe, une règle de
conflit de lois différente de celle qui prévaut pour les mariages de personnes
de sexe différent.
En
effet, en vertu de l’article 3 du Code civil : « Les lois concernant l’état et la capacité des personnes régissent les
Français, même résidant en pays étranger ». Sur ce fondement la jurisprudence civile met
traditionnellement en œuvre, s’agissant des mariages binationaux, la règle du
lieu de célébration pour les conditions de forme et la règle d’application
distributive des lois nationales pour les conditions de fond, dans le but de
favoriser l’harmonie internationale des solutions et la continuité de
traitement des situations juridiques.
[Il y a lieu de tenir ici pour répété le commentaire que nous
avons fait au paragraphe 4.8 touchant la réserve de constitutionnalité. Comment
le Conseil constitutionnel pourrait-il tenir l’identité des sexes, dans
l’hypothèse de sa conformité à l’institution du mariage, pour une simple
condition de fond, comme une autre, après avoir reconnu, comme il est probable
qu’il le fera, que cette identité participe des « garanties
fondamentales » prévues par l’article 34 de la Constitution ? Quel
rapport, par exemple, entre l’âge légal pour se marier et la garantie
fondamentale de pouvoir un jour le faire ? Quel rapport entre les
conditions de fond du mariage et la liberté du mariage elle-même ?
Personne ne s’est évidemment inquiété de prévenir ces questions !]
À
la différence de ce droit commun, les personnes de même sexe pourront donc se
marier alors même que la loi nationale de l’un d’entre eux l’interdit, dès lors
que l’autre époux a son domicile ou sa résidence en France ou dans un autre
pays admettant le mariage homosexuel. La loi déférée fait donc échec à
l’application distributive qui prévaut pour les couples de sexe opposé,
introduisant ainsi une discrimination dans les règles de conflits de lois.
Cette dérogation sera cependant privée d’effet lorsqu’une convention bilatérale
comporte des dispositions contraires, ce que la loi contestée omet de préciser.
Non
seulement contraire au principe d’égalité devant la loi, la discrimination
ainsi réalisée aura d’abord pour effet d’inciter des étrangers à contourner les
empêchements de leur loi nationale, transformant ainsi la France en un
attractif lieu de tourisme matrimonial alors pourtant que la jurisprudence de
la Cour de cassation combat aussi bien la fraude à la loi étrangère que la
fraude à la loi française[6]. Elle
favorisera également l’augmentation des « mariages blancs » destiné à frauder
la législation sur l’entrée et le séjour en France et sur la nationalité.
Enfin, la loi déférée va déboucher sur une multiplication des « mariages
boiteux » valables dans un pays et nuls dans l’autre. La règle de conflits de
loi posée par l’article 1er de la loi déférée est donc contraire au principe
constitutionnel d’égalité devant la loi et à la sécurité juridique.
Les
requérants relèvent qu’avec le dispositif de l’article 1er de la loi
déférée, il y aura en réalité désormais au moins trois catégories de mariages
vis-à-vis des enfants survenus dans un foyer : celui où le mari devient
père par la mise en jeu de la présomption de paternité, conformément au code
civil, celui où la compagne de la mère devient parent par un jugement
d’adoption, l’enfant étant le fruit, par exemple, d’une assistance médicale à
la procréation à l’étranger, celui où le compagnon du père se voit refuser
toute parenté, car l’enfant que les deux membres du couple ont voulu ensemble
ne pout être le fruit que d’une gestation pour autrui, condamnée aujourd’hui
par la France.
[Le mot de la
fin : tout est à recommencer, TOUT !]
[1] Discours préliminaire de Portalis sur le code civil
[2] Aux députés qui voulaient ajouter lors de la rédaction
du code civil des formules du type « Le mariage est un contrat civil par lequel
un homme et une femme libres s’unissent pour la vie » (Lagrévol), ou « Le mariage
est un contrat civil qui unit pour vivre ensemble deux personnes libres d’un
sexe différent » (Lequinio), il fut répondu : « Rien n’est si inutile qu’une
définition parce que tout le monde sait ce que c’est que le mariage »
(Sedillez). Fixée en fonction de la puberté, la différence d’âge nubile
confirme que le mariage est évidemment lié à
la procréation. La délibération du 22 août 1793 décrivait encore le
mariage comme le contrat par lequel « l’homme et la femme s’engagent, sous
l’autorité de la loi, à vivre ensemble, et à élever les enfants qui peuvent
naître de leur union » (Fenet).
Comme
le relevait le procureur général Baudoin dans ses conclusions sur un arrêt de
la Cour de cassation du 6 avril 1903 : « La condition essentielle du mariage,
c’est donc bien que les époux soit de sexe différent : l’un, un homme, l’autre,
une femme. Et c’est si évident que le code n’a même pas cru qu’il fut
nécessaire de l’exprimer ». Jean Carbonnier allait dans le même sens : « Le
code civil n’a pas défini le mariage, et il a eu raison : chacun sait ce qu’il
faut entendre par là ; c’est la plus vieille coutume de l’humanité et l’état de
la plupart des hommes adultes ».
[3] Arrêt n°05-16627, 1ère chambre civile, 13 mars 2007
[4] Tel que le Doyen Duguit le concevait
[5] Hans Kelsen a d’ailleurs exposé, dans sa théorie dite
« de l’aiguilleur », que lorsque le juge constitutionnel constate qu’une loi
ordinaire déroge à la Constitution, il ne porte pas un jugement de valeur sur
l’œuvre du législateur, mais se borne à indiquer qu’une telle loi aurait dû
être adoptée en la forme constitutionnelle, c’est-à-dire selon les règles de
compétence et de procédure propres aux lois constitutionnelles. Cette
considération de théorie juridique rejoint la souveraineté démocratique qui
exige que les éléments essentiels du contrat social d’une nation ne puissent
être changés par une simple majorité passagère, mais qu’une telle
responsabilité revienne directement aux citoyens eux-mêmes ou, pour les remises
en cause moins profondes, à une majorité renforcée de représentants exprimée,
en régime bicaméral, dans les deux assemblées.
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